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Si vous êtes inscrit au registre provincial ou fédéral des sociétés comme « administrateur » d'une société (y compris un organisme sans but lucratif ou de bienfaisance) – ou même si vous n'êtes pas un administrateur mais êtes effectivement responsable d'une entité juridiquement constituée −, vous devez connaître les risques fiscaux qui en découlent ainsi que les mesures que vous pouvez prendre pour vous protéger. Chaque année, l'Agence du revenu du Canada (ARC) et Revenu Québec (RQ) adressent un avis de cotisation à des centaines d'administrateurs pour recouvrer des sommes dues par leurs sociétés. Dans nombre de ces cas, l'administrateur n'était pas au courant de ce risque et de ce qu'il aurait pu faire pour éviter une telle responsabilité personnelle. De nombreux Canadiens ont vu leurs actifs confisqués et leur vie ruinée à cause de cette erreur.

(Dans le texte ci-dessous, les renvois à l'ARC s'appliquent également à RQ qui, au Québec, administre non seulement l'impôt sur le revenu provincial et la taxe de vente du Québec (TVQ), mais aussi la TPS/TVH.)

De quelle dette fiscale d'une société un administrateur peut-il être tenu responsable?

Les principales dettes fiscales sont les suivantes :

  • les déductions salariales (impôt sur le revenu, RPC et AE) dont les sommes ont été retenues mais non remises, ou auraient dû être retenues;
  • la TPS ou TVH (et, au Québec, la TVQ) que la société a perçue, ou aurait dû percevoir, diminuée des déductions offer-tes tels les crédits de taxe sur intrants (soit la « taxe nette » de la société);
  • les intérêts et pénalités relatifs aux dettes ci-dessus de la société, plus les intérêts sur le montant qui vous est réclamé depuis le moment où l'ARC vous a imposé à titre d'administrateur.

Il existe aussi d'autres responsabilités, par exemple à l'égard des taxes de vente au détail des provinces de l'ouest et certains autres impôts et taxes fédéraux et provinciaux.

Fait à noter, un administrateur n'est pas responsable d'une dette de la société au titre de l'impôt sur le revenu de la société. Cependant, dans nombre de cas, un administrateur qui a reçu quelque chose d'une société dans une année quelconque, depuis l'année où la dette fiscale a pris naissance, y compris un dividende, peut être imposé en vertu de l'article 160 de la Loi de l'impôt sur le revenu (LIR) – la règle sur le « transfert de biens » −, ou de la règle semblable relative à la TPS/TVH énoncée à l'article 325 de la Loi sur la taxe d'accise. Nous avons abordé ces règles en détail dans notre Bulletin de fiscalité de septembre 2016, sous la rubrique « Vous pouvez être tenu responsable des dettes fiscales d'un membre de votre famille ». (Nous n'en parlerons pas davantage dans le présent article.)

Qu'en est-il si vous n'êtes pas un administrateur en vertu de la loi?

Si vous êtes un administrateur, vous êtes responsable des déductions salariales de la société et du montant net de TPS/TVH, comme on l'a mentionné, sous réserve de divers arguments de défense possibles expliqués ci-dessous. Vous pouvez en outre être tenu responsable si vous êtes un administrateur de fait, c'est-à-dire un administrateur en pratique, même si vous n'êtes pas administrateur en vertu de la loi.

Par conséquent, si vous intervenez dans la gestion d'une société, ou si la société est inactive mais que vous êtes la personne qui traite avec l'ARC pour le compte de la société et que vous répondez aux questions la concernant, vous pourriez bien être considéré comme un administrateur de fait. Dans ce cas, votre responsabilité sera celle d'un administrateur en vertu de la loi.

Dans la décision de la Cour canadienne de l'impôt (CCI) dans Koskocan, que nous avons étudiée dans notre Bulletin de fiscalité de mars 2017, on a limité quelque peu la définition d'un administrateur de fait en montrant que ce sont les dirigeants, non les administrateurs, qui gèrent normalement les activités quotidiennes d'une société. Cependant, la question de savoir si vous êtes un administrateur de fait dépendra principalement des faits propres à votre situation.

Qu'en est-il des autres administrateurs?

Si vous êtes plusieurs administrateurs, l'ARC est libre de choisir à qui elle adressera son avis de cotisation. Elle peut l'adresser à tous les administrateurs, ou à n'importe lequel d'entre eux. Si vous êtes l'un de trois administrateurs (par exemple), il ne sert à rien, pour vous défendre, d'invoquer le fait que les autres administrateurs sont tout aussi responsables et que l'avis de cotisation devrait leur être adressé plutôt qu'à vous, ou à eux également. Tous les administrateurs qui sont responsables (c.-à-d. qui ne peuvent invoquer les arguments de défense décrits ci-dessous) sont solidairement responsables, ce qui signifie que chacun peut devoir assumer le règlement de la totalité de la dette fiscale.

En pratique, l'ARC risque de s'adresser à la personne qui semble avoir le portefeuille le mieux garni (la plus apte à payer). Les administrateurs ont alors le droit d'obtenir une « contribution » de l'un et l'autre, mais ils doivent pour ce faire poursuivre les autres administrateurs devant un tribunal civil provincial pour obtenir qu'ils assument leur part de la responsabilité; ces administrateurs pourraient bien être en faillite ou n'avoir aucun actif pouvant être saisi, même si le demandeur a gain de cause.

Qu'est-ce que l'ARC doit prouver?

Rien. Si vous en appelez de l'avis de coti-<sation, il vous appartient de prouver que vous n'êtes pas responsable parce que l'un des arguments de défense ci-dessous s'applique.

En fait, si vous interjetez appel auprès de la CCI, l'ARC doit prouver quelques points techniques sur la façon dont elle a essayé de recouvrer la dette auprès de la société et le fait qu'il n'y avait rien à recouvrer, et – si la société était en faillite ou avait été dissoute – qu'elle avait agi dans un certain délai. Ces règles se trouvent au paragraphe 227.1(2) de la LIR et, pour la TPS ou TVH, au paragraphe 323(2) de la Loi sur la taxe d'accise. En pratique, ces règles sont rarement utiles parce que l'ARC suit normalement la bonne procédure, mais il vaut la peine de s'en assurer.

Premier argument de défense :  « Je n'étais pas administrateur »

Si vous n'avez jamais consenti par écrit à une nomination à titre d'administrateur, vous n'étiez peut-être pas administrateur et vous n'aviez pas de responsabilité. Comme on l'a vu ci-dessus, toutefois, vous étiez peut-être un administrateur de fait, parce que vous accomplissiez des tâches qui incombent à des administrateurs (gestion de l'entreprise, signature de documents pour son compte, ou représentation).

Si vous n'étiez ni administrateur ni administrateur de fait lorsque la dette de la société a pris naissance, vous n'êtes pas responsable de cette dette. Par conséquent, si vous êtes devenu administrateur alors que la société avait une dette importante au titre des déductions salariales ou de la TPS/TVH, vous devriez être en mesure d'échapper à la cotisation.

Notez, toutefois, que l'ARC aura imputé normalement les remises effectuées pendant que vous étiez administrateur aux dettes les plus anciennes (dont vous n'auriez pas été res-ponsable), à moins que la société ait demandé expressément à l'ARC de les imputer aux dettes récentes. Vous pourriez alors être tenu responsable des nouvelles obligations relatives aux remises même si la société a fait des remises suffisantes pendant que vous étiez administrateur pour couvrir ces obligations.

Qu'arrive-t-il si vous avez démissionné avant que la dette ait pris naissance (c.-à-d. avant la date à laquelle la société était tenue de procé-der aux remises au titre des déductions sala-riales ou de la TPS/TVH)? Vous n'êtes pas responsable, mais il pourrait être difficile pour vous de prouver que vous avez démissionné et n'avez pas continué comme administrateur de fait. Nous traitons de cette question sous le « Deuxième argument de défense ».

Deuxième argument de défense : « J'ai démissionné plus de deux ans avant l'avis de cotisation

Si vous avez cessé d'être administrateur plus de deux ans avant la date de délivrance de l'avis de cotisation qui vous a été adressé en qualité d'administrateur, vous n'êtes pas res-ponsable.

Cependant, si votre nom n'a pas été retiré du registre public des sociétés au moment où vous avez démissionné, il pourrait être difficile pour vous de prouver que vous avez démissionné. On peut comprendre que l'ARC se méfie des personnes qui prétendent avoir démissionné il y a plus de deux ans, mais qui ne peuvent réellement prouver qu'elles ont remis leur lettre de démission à la société à ce moment. Vous devrez démontrer à l'aide de tous les faits pertinents et d'autres documents que vous avez réellement démissionné. 

Même si vous avez démissionné, si vous avez continué à agir comme administrateur de fait… pas de chance.

Si la société a été dissoute plus de deux ans avant la délivrance de l'avis de cotisation, vous avez cessé d'être un administrateur à ce moment-là. Cependant, il arrive que l'ARC demande à un tribunal de « réanimer » une société rétroactivement de façon à pouvoir imposer les administrateurs. Il est possible de s'opposer à une telle mesure, mais vous aurez besoin des conseils professionnels d'un avocat qui connaît bien cette question.

Il n'y a pas d'autre délai de prescription. Même si le défaut de la société de remettre la TPS s'est produit il y a 25 ans, vous pourriez faire l'objet d'un avis de cotisation, assorti d'intérêts composés astronomiques dépassant largement le montant initial d'impôt ou de taxe. Cette situation est fréquente; l'ARC met souvent des années avant d'établir une cotisation à l'égard d'administrateurs de sociétés qui ont fait faillite, lesquels auraient pu démissionner entre-temps mais demeurent responsables parce qu'ils ne l'ont pas fait.

Troisième argument de défense : « L'avis de cotisation de la société était erroné»

Si vous pouvez démontrer que la société n'était pas effectivement redevable du montant des déductions salariales ou des déductions de TPS/TVH que l'ARC réclame, vous pourriez être en mesure d'obtenir une réduction ou l'annulation de l'avis de cotisation.

L'ARC a souvent rejeté cet argument de défense affirmant que, si la société n'a pas fait appel de son propre avis de cotisation, celui-ci est « réputé valide et exécutoire » en vertu de la loi et ne peut donc plus être contesté. La CCI était partagée sur la question de savoir si elle devait accepter cet argument. Il ressort toutefois clai-rement maintenant de trois jugements de la Cour d'appel fédérale (CAF) (Abrametz, Doncaster et Gougeon) que, si vous pouvez démontrer que la dette de la société n'était pas aussi élevée que ce que prétend l'ARC, vous pouvez obtenir une réduction de la somme exigée. Cependant, cette preuve est souvent difficile à faire, parce que la documentation justificative a disparu. Il ne vous suffira pas de prétendre que la dette « pourrait ne pas avoir été aussi élevée »; vous devrez le prouver.

Quatrième argument de défense : « J'ai fait preuve de diligence raisonnable »

L'ARC vous offrira cet argument de défense dès le départ lorsqu'elle vous écrira pour vous faire part de son intention de vous imposer à titre d'administrateur, et vous demandera si vous avez quelque chose à dire.

L'argument de défense est le suivant : « Un administrateur n'encourt pas de responsabilité relativement à l'omission de la société de remettre les sommes déduites au titre de salaires ou de la TPS/TVH] s'il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le manquement que ne l'aurait fait une personne raisonnablement prudente dans les mêmes circonstances. »

Il existe des centaines de décisions publiées de la CCI et de la CAF sur cet argument de défense. Il s'agit d'un critère objectif : compte tenu objectivement de vos actions, avez-vous agi dans le respect du critère ci-dessus? Vous devez démontrer que vous avez pris des mesures concrètes pour vous assurer que les impôts et taxes étaient bien remis, par exemple en mettant en place des systèmes visant à vous assurer que les remisses étaient faites. Il ne suffit pas d'invoquer une bonne foi naïve ou une ignorance de la dette.

Il n'est pas pertinent non plus d'avoir pris des mesures concrètes pour régler la dette impayée de la société – même si vous y avez consacré de votre argent propre à ce moment. Vous devez démontrer que vous avez fait preuve d'une diligence raisonnable au moment où l'obligation de la société de procéder à la remise a pris naissance – lorsque la déclaration de TPS/TVH ou la remise des déductions salariales était exigée. 

Conclusion

Si vous êtes administrateur d'une société, assurez-vous que la société remet toutes les sommes exigées au titre des déductions salariales et de la TPS/TVH. Soyez proactif : si vous ne gérez pas la société vous-même, prenez des moyens pour vous assurer que les remises sont bel et bien faites. Consignez par écrit ce que vous faites; si vous êtes un administrateur externe et dépendez d'autres personnes, la communication de vos demandes par courriel est un moyen d'avoir une documentation à l'appui. Si vous n'êtes pas certain que les remises sont faites, démissionnez et assurez-vous que votre démission est consignée immédiatement dans le registre public des sociétés – et souhaitez que deux années passent sans que vous ne soyez l'objet d'un avis de cotisation.

Si vous n'être pas sûr que vous êtes un administrateur, vérifiez. Ce n'est pas la même chose d'être un actionnaire et un administrateur; vous pouvez être l'un, et pas l'autre. Lisez les procès-verbaux de la société, ou faites une recherche dans le registre public des sociétés pour voir si vous y êtes inscrit. Vous devez savoir.

Si vous recevez un avis de cotisation à titre d'administrateur, ou si l'ARC propose de vous imposer, obtenez des conseils professionnels dès que possible pour connaître les solutions qui s'offrent à vous. Vous pourriez être en mesure de faire valoir l'un des arguments de défense ci-dessus. Assurez-vous de produire un avis d'opposition auprès de l'ARC dans les 90 jours de la date de l'avis de cotisation, sans quoi vous pourriez perdre votre droit d'appel.

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